Eiger Monch Jungfrau sunset

Eiger Monch Jungfrau at sunset

Les trois sommets mythiques qui découpent la toile de fond de l'Oberland Bernois sont une de mes destinations favorites dans les Alpes Suisses. La région est riche d'un patrimoine naturel exceptionnel (montagnes aux faces vertigineuses, glaciers, lacs, rivières, etc.) et l'habitat y est remarquable comme en témoigne les immenses chalets aux toits typiques de la région.

Le climat également y est remarquable ... avec une météo très capricieuse combinée à un relief qui en accentue les extrêmes. Située en bordure Nord des Alpes, à une latitude où les ondulations climatiques sont particulièrement actives en toute saison, la chaîne des 4000 m de l'Oberland Bernois agit en effet comme une barrière naturelle face à toutes les dépressions du flux Ouest-Nord-Ouest qui viennent s'y bloquer et arroser copieusement et durablement la région. La photographe opportuniste y trouvera de bonnes raisons d'espérer de belles occasions pour immortaliser ces paysages lorsque les conditions sont réunies, malheureusement trop rarement.

L'orientation de la chaîne principale (faces orientées au Nord-Ouest) est propice aux couchers de soleil tout particulièrement vers mi-mars et fin septembre, aux périodes ou l'astre couchant vient lécher les faces et créer un jeu d'ombres et de lumières très photogénique. En hiver les faces comme celle de l'Eiger restent durablement à l'ombre et en été le soleil est presque perpendiculaire à la chaîne et les angles de vues les plus intéressants se limitent au nord-est de la région.

La région est riche en lacs magnifiques qui viendront embellir les pages de mon livre. Mais à mi-mars, tous les miroirs d'altitude sont encore gelés, donc pas de virée photographique sur ce thème. Mais j'attendais une bonne occasion pour rephotographier la chaine de loin au soleil couchant et une opportunité s'est présentée mi-mars 2023. Des chutes de neige conséquentes après près d'un mois de temps stable et étonnamment sec pour la région, une atmosphère nettoyée de ses impuretés et débrasée de la pollution par un bon coup de vent d'Ouest, la bonne période, les conditions semblent remplies pour de jolis clichés.

Reste à choisi le point de vue pour visualiser la chaîne Eiger-Monch-Jungfrau, la fameuse trilogie de sommets emblématiques, dans son ensemble. Ils ne sont pas si nombreux que cela : le Lauberhorn est un peu trop près des sommets et la Jungfrau se présente un peu trop de coté, les pentes au-dessus d'Isenfluh au Nord-Ouest sont idéales mais difficiles d'accès et dangereuses après une forte chute de neige, il reste le Niederhorn à une vingtaine de km au Nord-Ouest, au-dessus d'Interlaken, Luderenalp un autre point de vue saisissant à 50 km au nord, et la région du Riggisberg près de Bern, la capital de la Suisse. C'est ce dernier point de vue que je choisit. Situé vers 1100 m d'altitude et à une bonne quarantaine de km à vol d'oiseau des sommets principaux, ce "spot" nécessite de parfaites conditions de transparence de l'air pour bien détailler le relief au loin.

Plusieurs endroits vers du village du Riggisberg sont connus pour offrir des vues dégagées sur les sommets. Je m'y présente vers 18h, une 1/2 environ avant le coucher du soleil. Le ciel est voilé, gris pâle comme les sommets, le relief est net mais sans attrait particulier, cependant l'animation des images satellites me laisse espérer une "fenêtre" tout à l'Ouest. J'installe mon trépied et je brûle un cierge (imaginaire). L'éclaircie attendue arrive enfin, un peu courte, quelques minutes à peine, les couleurs sont intenses mais s'éteignent trop vite sans "Alpenglow". Je prends des images en décalé pour constituer un panoramique puis j'observe longuement les lumières de Thoune et des villages qui s'égrainent le long des rives du lac éponyme tandis que le crépuscule efface progressivement les cimes dans un bleu de plus en plus profond.